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Le compositeur et Ravel

13 octobre 1957, un jeune pianiste polonais, protégé d’Artur Rubinstein, fait ses débuts américains au Carnegie Concert Hall avec rien moins que Dimitri Mitropoulos et le New York Philharmonic Continuer la lecture de Le compositeur et Ravel

La fête !

Dix pleins disques d’une sélection merveilleusement composée dressent le portrait si juste du plus vivant, du plus irrésistible des pianistes que j’ai jamais entendus en concert. Petit homme discret, toujours prêt à vous offrir un sourire, Shura Cherkassky cachait bien son jeu : une fois assis au piano, dès que ses mains effleuraient ou frappaient l’ivoire, le ciel s’ouvrait. Continuer la lecture de La fête !

L’esprit de Kochanski

Le mystère élégant que distille l’archet si long de Lisa Batiashvili dans la phrase murmurée qui ouvre l’Andantino du Premier Concerto, n’est-ce pas la résurrection de la sonorité idéale que Sergei Prokofiev trouvait au violon de Pavel Kochanski ?

La finesse de la chanterelle de la violoniste évoque bien cette perfection sonore si lyrique, quelques instants plus tard elle élancera son archet comme une ballerine, car il y a dans le Premier Concerto une chorégraphie des sons qui reconduit toujours à ces plages de quasi silence où soudain l’aigu du violon scintille des étoiles pâles. Quelle poésie ! où s’engage le subtil lacis sonore d’un orchestre léger réglé au millimètre près par Yannick Nézet-Séguin.

Le Second Concerto, écrit pour la grande sonorité de Robert Söetens, est autrement amer, nocturne dont Lisa Batiashvili dit le récitatif initial avec des couleurs de contralto. Ces timbres profonds semblent inépuisables, comment ne pas entendre à quel point ils rappellent ceux de David Oistrakh, modèle probablement avoué. La puissance expressive de cette conception encore augmentée par la perfection d’une sonorité radieuse s’accorde aux ténèbres symphoniques que Yannick Nézet-Séguin compose : le concerto se mue en un vaste poème lyrique automnal.

À cette paire parfaite s’ajoute trois arrangements signés Tamas Batiashvili, extraits de Roméo et Juliette, de Cendrillon, de L’Amour des trois oranges (la fameuse Marche), mais c’est aux Concertos que vous irez d’abord, en espérant que demain l’accord parfait réunissant la violoniste et le chef s’étendra aux Concertos de Szymanowski.

LE DISQUE DU JOUR


Sergei Prokofiev
(1891-1953)
Concerto pour violon et orchestre No. 1 en ut majeur, Op. 19
Concerto pour violon et orchestre No. 2 en sol mineur, Op. 63
etc.

Lisa Batiashvili, violon
Orchestre de Chambre d’Europe
Yannick Nézet-Séguin, direction

Un album du label Deutsche Grammophon 002894798529
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Photo à la une : La violoniste Lisa Batiashvili – Photo : © Sammy Hart/Deutsche Grammophon

Souvenir parisien et ultime concert

Je n’ai vu diriger Kirill Kondrachine qu’une seule fois, au printemps 1978, à la Salle Pleyel, j’avais gardé le souvenir d’une Schéhérazade éblouissante de fantaisie, d’un chic fou, où l’orchestre se surpassait. Cette Schéhérazade, la voici, bien plus sulfureuse que dans mon souvenir, mais toujours emportée par ce mouvement irrépressible que Kondrachine soulignait à peine d’un haussement de sourcil : il pouvait diriger à l’économie et provoquer pourtant des tsunamis.

J’avais oublié par contre les deux pages de Saint-Saëns qui ouvraient le concert. La musique française fut son jardin secret comme le prouvaient déjà des Ravel magnifiques (surtout son Daphnis avec le Concertgebouw !) mais ce Phaéton somptueusement cambré qui fait voir le char dans les cieux est stupéfiant de réalisme épique, tout comme les décors sonores dont il parsème le 5e Concerto pour piano qu’il dirigea si bien au disque pour Sviatoslav Richter. Quelle chance pour le clavier tout en timbres de Bernard Ringeissen qu’un tel partenaire éclaire les textures et invite à une telle fantaisie onirique, suggérant à son soliste des couleurs, des embardées, un art évocateur ! Et vraiment quel magnifique artiste que Bernard Ringeissen : écoutez-le phraser dans toute la profondeur harmonique de son clavier le deuxième thème de l’Allegro animato, écoutez avec quelle autorité il fait résonner les effets exotiques de l’Andante !

Aussi formidable que soit cette « madeleine » parisienne, les deux œuvres extraites d’un concert amstellodamois avec l’Orchestre de la NDR de Hambourg sont probablement plus essentielles encore. La Première Symphonie de Mahler qui terminait en ce 7 mars 1981 l’ultime concert du chef russe (il décédera dans la nuit) fut publiée, mais pas la première partie de la soirée, la voici : la Symphonie « Classique » de Prokofiev jouée ample et dans la splendeur des cordes hambourgeoises est une leçon de style ; si elle persiffle, c’est sans rien assécher d’un geste spectaculaire.

Plus exceptionnelles encore, les Fünf Orchesterstücke de Schoenberg, transformées en tableaux sonores entre Klimt et Kandinsky, font amèrement regretter que la mort ait emporté Kondrachine alors même que son répertoire s’étendait à la Seconde Ecole de Vienne. Par la pure beauté de ses sonorités, il approche à la sensualité qu’y avait recherchée Herbert von Karajan. Document impérissable et indispensable.

LE DISQUE DU JOUR

Sergei Prokofiev (1891-1953)
Symphonie No. 1 en ré majeur, Op. 25 « Classique »
Arnold Schönberg (1732-1809)
5 Orchesterstücke, Op. 16

NDR Sinfonieorchester
Kirill Kondrachine, direction
Enregistré le 7 mars 1981 au Concertgebouw, Amsterdam

Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Phaéton, Op. 39
Concerto pour piano et orch. No. 5 en fa majeur, Op. 103 « Égyptien »
Nikolai Rimski-Korsakov (1844-1908)
Schéhérazade, Op. 35

Bernard Ringeissen, piano
Orchestre Philharmonique de Radio France
Kirill Kondrachine, direction
Enregistré le 19 mai 1978 à la Salle Pleyel, Paris

Un album de 2 CD du label St-Laurent Studio YSL-T714
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Photo à la une : © DR