Schumann de l’ombre

Participant à une intégrale du piano de Schumann qui parvient aujourd’hui à son sixième volume, Cédric Pescia assemble ici, pour l’essentiel, des partitions peu courues. Cela suffirait à faire du double album un ajout parfait à toute discographie schumannienne Continuer la lecture de Schumann de l’ombre

Premier piano

Il fallait bien oser un jour dédier tout un album au créateur du piano et à sa « créature » : Bartolomeo Cristofori (1655-1732). Objet, inventer un instrument à clavier qui puisse moduler la dynamique, produire des contrastes entre piano et forte.

On est à Florence, circa 1690. L’instrument mâte, sans le brio du clavecin, déconcerte. C’est pourtant lui, à force de progrès techniques, qui aura gain de cause historiquement, alpha du piano moderne à venir. Et il faut bien avouer qu’en entendant Linda Nicholson toucher pourtant avec tant d’art la reconstitution d’un instrument de Ferrini, l’un des disciples de Cristofori, menée de main de maître par Denzil Wraight, une déconvenue se fait jour. Continuer la lecture de Premier piano

Danse avec la mort

7 décembre 1987, Laiezhalle, Hambourg, Kurt Sanderling, soixante-quinze ans, revient à la 9e Symphonie de Gustav Mahler. Georges Sebastian, dont il fut l’assistant à la Radio de Moscou, lui avait fait découvrir cette œuvre dans une partition annotée par Bruno Walter : il n’était alors pas question de diriger Mahler en U.R.S.S., Staline se serait étouffé, Sanderling ne le fera d’ailleurs qu’une fois installé à Berlin-Est, gravant plus tardivement encore les trois opus ultimes : sa version du Chant de la Terre, avec l’immense Birgit Finnilä, est aussi peu connue que mémorable, sa lecture objective de la 10e Symphonie fascinait Rudolf Barshaï, son premier enregistrement de la 9e Symphonie au disque, si distant, déconcertait. Il allait plus loin dans l’œuvre à la BBC en concert, alors qu’y revenant au studio avec le Philharmonia, l’épure s’imposait trop.

La publication assez inespérée de ce concert hambourgeois montre à quel point la logique de sa direction l’éloigne justement du geste lyrique de Bruno Walter : cet orchestre minéral fait plutôt songer à celui qu’y déployait Klemperer, alors que la maîtrise de la forme, la compréhension immédiate des arcanes du texte ne se retrouve selon moi que chez Michael Gielen.

En 1987, au sommet de son art, tout semble évident dans cette musique pour Sanderling, le geste est fulgurant, le pathos disparaît derrière le feu roulant d’un orchestre impérieux, conquérant, où déjà s’immiscent les paysages stupéfiants de la 10e Symphonie. C’est la musique de l’avenir qui se déroule dans le fugato de la flûte et du cor, et dans toute le vaste Adagio, porte ouverte sur un cosmos silencieux qu’Abbado lui aussi trouvera. Mais les deux scherzos sont à l’opposé, univers noirs, fermés, acides, persiffleurs, le chef danse avec sa mort, lui tient la dragée haute, combat terrible que Mahler n’aurait pas pu imaginer entendre à ce degré de réalisme sonore.

Oui, Sanderling fut un génie, et sa rencontre avec cette symphonie ce soir-là à Hambourg, un moment historique.

LE DISQUE DU JOUR

cover mahler 9 sanderling ndr profilGustav Mahler (1860-1911)
Symphonie No. 9

NDR-Sinfonieorchester
Kurt Sanderling, direction

Un album du label Hänssler/Profil PH17007
Acheter l’album sur le site www.uvmdistribution.com, ou sur Amazon.fr

Photo à la une : © DR