Argerich 75

Le 5 juin dernier, Martha Argerich fêtait ses soixante-quinze ans. Son legs discographique, dispersé entre quantité d’éditeurs, n’aura pas permis d’assembler un de ces forts coffrets Continuer la lecture de Argerich 75

De l’étrange

Ne fuyez pas ! Dans un premier temps, ce que fait le soprano singulier de Barbara Hannigan dans les Trois Mélodies « nues » de 1886 pourra vous effrayer. Avec raison, et vous agacer également le ton volontairement niais qu’elle met à celles des Trois autres Mélodies. Une fois passé l’Hymne pour le Sar Peladan, et si vous avez survécu, oserez-vous entrer dans ce pourquoi existe ce disque : Socrate.

Les voix féminines y sont rares, jadis Suzanne Danco l’avait tenté dans la version orchestre, à la demande de Darius Milhaud, puis revenant à la version avec piano, Hugues Cuénod avait littéralement confisqué l’œuvre.

Eh bien, dans la récitation modale de Socrate, Hannigan est magnifique d’attention, de poésie, d’allusion, et soudain le piano de Reinbeert de Leuw, si rompu à la langue de Satie, ne l’accompagne plus, mais se marie à ce timbre si clair.

Tout l’album dégage un parfum d’étrange, quelque chose de déconcertant qui est assez dans « l’esprit Satie » pour qu’on en accepte le propos radical.

LE DISQUE DU JOUR

cover satie hannigan w&wErik Satie (1866-1925)
3 Mélodies (1886)
3 autres Mélodies (1886-1906)
Hymne, pour le « Salut Drapeau » du « Prince de Byzance » du Sâr Péladan
Socrate, drame symphonique en 3 parties pour voix et orchestre ou piano

Barbara Hannigan, soprano
Reinbert de Leeuw, piano

Un album du label Winter & Winter 910 234-2
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Photo à la une : © Raphael Brand

Pour Essénine

Si Chostakovitch mit en musique certains poèmes d’Essénine (1895-1925) avec la puissance de transcription qu’on lui connaît, ce fut pourtant Georgy Sviridov (1915-1998) qui captura l’esprit de la poésie aventureuse, si suggestive et mélancolique, de ce jeune homme que les Continuer la lecture de Pour Essénine

Neeme Järvi et la France

Comme celui de Gennadi Rozhdestvensky, le répertoire de Neeme Järvi semble infini, et souvent en rapport avec les phalanges symphoniques dont il aura tenu en main les destinées.

L’Orchestre de la Suisse Romande lui aura inspiré quelques-uns des plus beaux albums de son abondante discographie, l’invitant à se pencher sur les compositeurs français qu’il avait délaissés depuis ses années de Detroit, où, conscient de l’héritage laissé par Paul Paray, Roussel et Ravel lui avaient inspiré de stupéfiants albums demeuré méconnus. Cette Troisième Symphonie alerte et fauviste, ce Daphnis orgiaque, comment pourrait-on les oublier ?

J’ai eu envie de le réentendre avant de mettre dans la platine ses deux nouveaux albums, l’un consacré à Saint-Saëns gravé avec l’Orchestre Philharmonique de Bergen, l’autre à Jacques Ibert, cette fois-ci avec L’Orchestre de la Suisse Romande.

Le doublé des Concertos pour violoncelle sous l’archet ample de Truls Mørk fait entendre un Saint-Saëns enfin débarrassé de toute référence néo-classique. Deux grands concertos d’un romantisme avoué, mais joués sans jamais rien alourdir, où tout l’orchestre entre dans le chant du soliste, immense musique de chambre subtilement dosée, tout comme un Carnaval des animaux plus poétique que descriptif où les claviers de Louis Lortie et d’Hélène Mercier caracolent puis rêvent. Louis Lortie et Neeme Järvi ajoutent deux brèves partitions de fantaisie, le Wedding-Cake pince-sans-rire, et la tumultueuse Africa. Et si demain, ils nous faisaient tous les Concertos ? Quel Égyptien en perspective.

L’album Ibert est plus irrésistible encore, l’égal de ceux jadis gravés par Jean Martinon à Paris et Louis Frémaux à Birmingham pour EMI et recoupant les programmes de l’un comme de l’autre. Il faut entendre comment Neeme Järvi, sans jamais infléchir le mouvement, fait passer l’Ouverture de fête de l’ombre à la lumière, avec quel sens des variations de couleurs il détaille les Escales, de quelle verve il pare le Divertissement « Paris », ou la Bacchanale, rendant justice à l’art d’orchestrer d’un compositeur majeur du XXe siècle français, ajoutant des pages rarissimes comme la Sarabande pour Dulcinée, le subtil Féerique, ou l’Hommage à Mozart.

Disque magique, et qui veut une suite : Tropismes pour des amours imaginaires, la Symphonie marine, le Louisville-Concert, Les Amours de Jupiter, la Symphonie concertante, Rencontres, les Concertos, les musiques de scènes, les ballets attendent de briller sous de tels feux.

LE DISQUE DU JOUR

cover saint saens jarvi chandosCamille Saint-Saëns (1835-1921)
Concerto pour violoncelle No. 1 en la mineur, Op. 33
Concerto pour violoncelle No. 2 en si mineur, Op. 119
Le Carnaval des animaux
Caprice-Valse, « Wedding- cake »
Africa

Truls Mørk, violoncelle
Louis Lortie, piano
Hélène Mercier, piano
Orchestre Symphonique de Bergen
Neeme Järvi, direction

Un album du label Chandos CHSA5162
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cover chandos ibert jarviJacques Ibert (1890-1962)
Escales
Sarabande pour Dulcinée (extraite de « Don Quichotte »)
Ouverture de fête
Féerique
Divertissement pour orchestre de chambre
Hommage à Mozart
Suite symphonique, « Paris »
Bacchanale

L’ Orchestre de la Suisse Romande
Neeme Järvi, direction

Un album du label CHSA 5168
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Photo à la une : © Simon van Boxtel